Unité – L’histoire de Doreen Befus : La législation et la pratique de la stérilisation
Point clés
- Reconnaître le rôle historique de la médecine, de la science, du droit et de leurs institutions dans la violation des droits humains des patients psychiatrique.
- Comprendre les dangers de l’autorité et du pouvoir professionnel incontrôlés tels que mis en évidence par la théorie et les pratiques eugénistes.
- Évaluer les conséquences possibles de pratiques professionnelles qui font fi de l’autonomie et de la volonté de la personne.
- Comprendre l’importance d’aller au-delà des étiquettes diagnostiques.
Des contenus
Cette unité contient un riche ensemble d’contenus : des lettres rédigées par Doreen Befus, cible des eugénistes devenue activiste, une chronologie de la stérilisation, situant la vie de Doreen dans le cadre de la pensée et de la politique eugénistes, des rapports officiels du gouvernement sur la pratique de l’eugénisme, ainsi que des perspectives d’universitaires, qui, avec le recul, rappellent les profondes injustices du passé. Nous vous proposons ci-dessous un extrait du témoignage de l’historienne Erika Dyck, qui met en contexte biographique l’institutionnalisation de Doreen. Toutefois, les éducateurs et les étudiants peuvent trouver la version intégrale de celui-ci sur Contenus : apprentissage autodirigé 1 et Contenus : apprentissage autodirigé 2.
Écoutez Erica Dyck présenter le contexte biographique de l’histoire de Doreen.
Évaluation des contenus
- Évaluation : Chronologie de la stérilisation – 30 minutes
Objectifs pédagogiques
En portant attention sur le programme de stérilisation de la province de l’Alberta et sur l’histoire d’une femme – Doreen Befus –cette leçon inclut 4 ensembles de ressources qui guideront les futurs praticiens en santé mentale à travers l’histoire afin d’examiner comment la médecine, la science et le droit ont été utilisé de façon particulièrement inappropriée au service d’une «bonne» santé mentale. Les étudiants apprendront comment la stérilisation sexuelle est devenue une loi et comment elle en est venue à être considérée comme une politique positive afin d’éviter des enfants «indésirables» et des parents «inaptes». L’histoire de Doreen, relatée dans cette leçon, démontre la résilience et le courage personnel qui est nécessaire pour surmonter la stigmatisation pouvant découler d’un diagnostic médical.
Deux chercheuses canadiennes ayant étudié cette difficile histoire nous ont aidé à créer cet ensemble de ressources pédagogiques. Claudia Malacrida est sociologue à l’Université de Lethbridge spécialisée dans l’étude du corps, du genre et du handicap. Erika Dyck dirige une chaire de recherche du Canada en histoire et mène des recherches sur l’histoire de la psychiatrie, de la maladie mentale, de la désinstitutionnalisation et de l’eugénisme. Plusieurs victimes des politiques et pratiques eugénistes n’ont pas laissé derrière elles des sources habituellement utilisées par les historiens. Cependant, certains chercheurs, comme Claudia Malacrida et Erika Dick, ont réussi à trouver des façons de retracer ces trajectoires personnelles.
À partir des commentaires de ces deux chercheuses importantes, de documents officiels et d’archives personnelles de Doreen Befus, notre équipe a rassemblé un ensemble confrontant de matériel pédagogique. Les enseignants et les étudiants peuvent faire usage d’une ligne du temps qui situe l’histoire de Doreen Befus dans l’histoire générale de l’eugénisme, analyser les idées ayant mené à l’adoption de la loi albertaine sur la stérilisation en 1928, examiner les façons dont le Conseil de l’eugénisme opérait et apprendre à propos impacts de ce programme gouvernemental sur la vie des personnes ayant été stérilisées.
La femme sur cette photo des années 1960 est Doreen Befus, prise devant une institution de Red Deer, en Alberta. Doreen a passé l’essentiel de sa vie dans des institutions. Née en 1926, Doreen a d’abord grandi dans des foyers d’accueil, puis par la suite à l’École provinciale de formation pour les déficients mentaux de l’Alberta (Provincial Training School, PTS). Catégorisée comme «imbécile» et placée à la PTS à l’âge de 7 ans, Doreen fut candidate à la stérilisation sexuelle sous la Loi de stérilisation sexuelle de l’Alberta. À l’âge de 18 ans, elle fut amenée devant un panel d’hommes, appelé le «Conseil de l’eugénisme», qui a décidé que Doreen devait être stérilisée afin de s’assurer qu’elle ne puisse porter d’enfants. La procédure n’a jamais été expliquée à Doreen et le Conseil ne lui a jamais demandé son consentement.
Doreen était une personne unique et remarquable, une aide soignante, une activiste, une auteure, une amie, une sœur et une tante. Mais l’étiquette médicale d’«imbécile» a éclipsé ces caractéristiques, plus importantes pour la majeure partie de sa vie, et son parcours est entrecoupé de difficiles histoires de stérilisation, d’eugénisme, d’institutionnalisation et de désinstitutionnalisation. Doreen personnifie ces milliers de patients anonymes évoqués dans les rapports du Conseil de l’eugénisme, utilisés dans ces ressources pédagogiques et qui illustrent à quel point des individus dépourvus de pouvoir étaient contrôlés et contraints par les lois du début du 20esiècle et des procédures prétendant «protéger» la nation canadienne des personnes considérées «déficients». Les étudiants et enseignants souhaitant en savoir plus sur Doreen peuvent visiter l’exposition Doreen Befus : Crafting a Life After the Asylum, par Erika Dyck, sur le site Après l’asile.
Les idées eugénistes et la pratique de la stérilisation forcée constituent des sujets historiques difficiles. Mais ce sont pas des sujets qui doivent être rejetés au profit d’une pseudo-science et de politiques publiques réactionnaires, car la mentalité eugéniste est toujours présente dans certaines pratiques professionnelles et et certains services en santé mentale. À titre d’exemple, dans le DSM-5 (la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), la bible de la pratique dominante en santé mentale, la syllogomanie (ou accumulation compulsive), l’irritabilité persistante chez l’enfant et le deuil à la suite de la perte d’un être cher sont présentés comme des catégories cliniques, ce qui démontre le pouvoir continu des attentes sociales normatives dans le milieu de la santé mentale. Comme le DSM, l’histoire de la stérilisation au Canada nous force à prendre en considération le pouvoir énorme et durable des étiquettes et classifications médicales.
Le matériel historique présenté dans cette leçon transcende la division passé-présent, aidant les étudiants d’aujourd’hui à prendre conscience de l’importance du déséquilibre du pouvoir entre les patients et les praticiens, de même que de la nécessité d’une communication respectueuse et d’une compassion informée. La science douteuse que constituait l’eugénisme et les étiquettes que ses praticiens utilisaient pour définir des personnes comme Doreen illustrent le danger des attitudes et pratiques catégorisant les patients en santé mentale comme des cas médicaux aberrants, des gens défectueux plutôt que comme des individus avec des désirs, des qualités, des buts et des opinions.
Mise en contexte des components
Sir Francis Galton, un Anglais et cousin of Charles Darwin, a créé la pseudo-science de l’eugénisme dans les années 1880, une école de pensée qui concevait le genre humain comme un vaste cheptel. Pour les eugénistes, la reproduction et le sort de la nation étaient intimement liées. La théorie eugéniste catégorisait certains individus comme «supérieurs» et citoyens dignes, et d’autres comme «inaptes» et nuisance à la nation. La catégorie des inaptes incluait plusieurs personnes étiquetées comme «faibles d’esprit» –une désignation souvent déterminée par la classe, l’origine ethnique et le jugement moral –et la stérilisation était considérée nécessaire afin de supprimer ces gens du cheptel national. Comme la ligne du temps de la stérilisationle démontre, le support professionnel et social aux programmes eugénistes a été un phénomène global : en 1933, par exemple, tant le gouvernement libéral de la Colombie-Britannique, au Canada, que le Parti nazi en Allemagne ont adopté des lois de stérilisation.
Jusqu’à l’époque de la Seconde Guerre mondiale, l’eugénisme était considéré comme une science valable et jouissait d’un important niveau d’appui des Canadiens. La stérilisation sexuelle eugéniste était endossée par ceux qu’on aurait tendance à imaginer opposés à ce genre de lois : les féministes de la première vague, les professionnels de santé et les politiciens. Quelques grandes figures de la médecine canadienne étaient étroitement liées au mouvement eugéniste, parmi lesquelles la docteure Helen MacMurchy, célèbre pour ses Petits livres bleus et d’autres initiatives en santé maternelle, le docteur D. K. Clarke, premier professeur du département de psychiatrie de l’Université de Toronto et le docteur Clarence Hincks, psychiatre et fondateur du Comité national d’hygiène mentale du Canada (devenu plus tard l’Association canadienne de santé mentale).